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Delphine DESVEAUX

Retours d'Algérie - Épisode 7 - Conclusion - Architecture Algérie

Par Delphine Desveaux

Journaliste et auteure pour de nombreuses publications dans le domaine de l'architecture.


Conclusion

 

Deux visions de l’architecture


Les liens entre Pouillon et Ravéreau n’étaient pas vraiment cordiaux. Le premier ignora le second… qui n’aimait pas cet omnipotent « architecte tout en escarbouches et vastes burnous, converti à l’Islam et inventeur de villages touristiques néo-mauresques aux quatre coins de l’Algérie, de Tipaza à Timimoun. »


Il a été dit que Fernand Pouillon (1912-1986) et André Ravéreau (1919-2017) n’avaient rien de commun. C’est faux. Ils étaient de la même génération. Ils ont tous deux vécu les Trente Glorieuses et la Reconstruction. Ils étaient tous deux architectes français vivant en Algérie, où ils ont tous deux construit. Leurs réalisations se réclamaient d’Auguste Perret, maître de l’un et référence de l’autre, dont ils admiraient la rigueur, l’intelligence constructive, le rationalisme structurel adapté à la fonction. Ils étaient tous deux des esprits libres. Ne souscrivant ni l’un ni l’autre aux idées modernistes, ni aux dogmes normatifs, ni à la doxa du style International, ils étaient tous deux passionnés par le process constructif et l’économie de mise en œuvre, tous deux en quête d’une architecture qui puise ses racines dans la tradition et l’environnement, tous deux recherchaient le dialogue visuel entre la forme et la fonction, tous deux guidés par une réflexion architecturale fondée sur le rapport de l’homme à son environnement, tous deux inspirés par une architecture « climatologique », tous deux mus par une vision humaniste et une certaine noblesse de cœur, tous deux considérés comme des « architectes du peuple ».


Les chemins divergent en raison de leur caractère… ainsi que par l’ampleur des réalisations… Omnipotence, suractivité, monumentalité chez Pouillon, qui met sa vision, sa bouillonnante énergie et son arrogance au service des plus démunis.


Humilité, ascèse, discrétion, chez Ravéreau qui se plonge dans l’étude des savoir-faire traditionnels et la conservation. « J’ai trouvé une culture, une civilisation dans laquelle il n’y avait pas toute cette réflexion monumentale (…) Le monument disparaît, se fond dans le tissu de la ville. La communauté a défini un même abri pour tous, ni palais ni gourbi : c’était la dignité pour chacun : celle du sage et celle du simple.[1] »


Par des voies bien différentes, les deux architectes parviennent au même résultat de décence et d’égalité. 

 

Bibliographie

Fernand Pouillon, Mémoires d’un architecte, Editions du Seuil, Paris, 1968

André Ravéreau, Le M’Zab, une leçon d’architecture, Préface de Hassan Fathy. Photographies de Manuelle Roche, Édition Actes Sud Sindbad, Arles, 2003 (ancienne édition, Sindbad, Paris, 1981).

André Ravéreau, L’atelier du désert, Édition Parenthèses, Marseille, 2003

Virginie Prevost, Les Ibadites. De Djerba à Oman, la troisième voie de l’Islam, Turnhout, Brepols, 2010.

 

[1] Le M’Zab, une leçon d’architecture, p. 141



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