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  • Delphine DESVEAUX

Retours d'Algérie - Épisode 3 - Les Cités de Fernand Pouillon

Par Delphine Desveaux

Journaliste et auteure pour de nombreuses publications dans le domaine de l'architecture.


Voyage Archi:travel en Algérie

ALGER Les cités de Fernand Pouillon

 

Une journée complète est dédiée aux cités de Pouillon. On ne peut parler de Pouillon (1912-1986) sans évoquer le commanditaire algérois, Jacques Chevallier, élu maire d’Alger en 1953. Son désir le plus cher était de favoriser l’intégration des Algériens à la France en s’attaquant au manque endémique de logements à Alger. Pour réadapter la ville aux enjeux de modernisation et planifier l’aménagement des nouveaux quartiers, Chevallier dote Alger d’un service municipal d’urbanisme et nomme Pierre Dalloz pour le diriger. C’est ainsi que naît l’Agence du plan, où André Ravéreau, autre acteur majeur de l’architecture en Algérie et grand spécialiste de l’architecture mozabite, travailla brièvement. Très rapidement, un programme municipal de 2 000 logements est défini pour résorber les bidonvilles.


Peu convaincu par l’opération du Champ de Manœuvre de Zehrfuss, Chevallier fait appel à Fernand Pouillon sur les conseils de l’ancien ministre de la reconstruction et de l’urbanisme E. Claudius-Petit. Nommé architecte en chef de l'office des HLM d’Alger, Fernand Pouillon aurait construit plus de 4 000 logements en Algérie, dont trois cités à Alger :


  • En 1953, Diar es Saada, la Cité du bonheur (500 logements), conçue comme une « cité sans ségrégation », réunissant donc Algériens et Français, avec une école, un terrain de sport, une cascade d’eau, une place plantée de 50 palmiers, des épannelages et des typologies différentes, des emprunts à l’architecture traditionnelle (moucharabieh en encorbellement, modénatures s’inspirant des motifs d’un tapis, ornements en céramique de Jean Amado…)



  • En 1954-1955, Diar el Mahçoul, la Cité de la Promesse tenue (1 454 logements) est divisée en deux ensembles séparés par le boulevard Oulmane Khelifa : - à l’ouest, à l’attention des Algériens pauvres, Diar al Mahçoul « moyen confort » (912 logements) se caractérise par des façades massives et des petites ouvertures qui lui donnent un caractère fortifié. - à l’est, de l’autre côté du boulevard, Diar al Mahçoul « confort normal » domine la baie d’Alger. La place haute tient lieu de marché. Sous une triple série d’arcades, un escalier descend vers la place des Quatre vents qui domine la mer. L’implantation en biais d’un immeuble conduit vers les restes de l’église, aujourd’hui transformée en mosquée. Le tout était relié à la ville basse par un téléphérique qui ne fonctionne plus aujourd’hui.



  • Au-dessus de Bab-el-Oued, construite en 1957, Climat de France (non visitable pour des raisons de sécurité) s’apparente à une enceinte fortifiée autour de la place monumentale des 200 colonnes (qui n’en compte en réalité que 182). Les percements, à l’instar de la musique arabe, se veulent une variation sur un même thème.


Voyage architecture Algérie - Architravel

Ces cités sont toujours très habitées, comme en témoignent le nombre de paraboles qui fleurissent sur les toits et les façades. Sans entrer dans le détail, on retient de ces visites plusieurs qualités récurrentes. Tout d’abord, la volonté de rompre avec la médiocrité habituelle des HLM en valorisant l’habitat, pourtant destiné aux plus pauvres. La composition des plans tire remarquablement parti des sites. Chaque cité décline l’esprit d’un village avec des espaces publics - placettes, rues, perspectives, fontaines, galeries…- structurés par des typologies différentes – arcades, emmarchements, barres, « beffroi », plots…- et différentes fonctions : habitations, marchés, écoles, édifices religieux…

A cette indéniable qualité urbaine, s’ajoutent le choix d’un matériau « noble », la pierre du Gard, le rationalisme des constructions, l’élégance des ordonnancements selon un ordre colossal (arcades, attique…), le dessin des modénatures (claustras, piles, redans…) auxquels s’ajoutent des décorations signées par des artisans locaux (ferronniers, céramistes, mosaïstes, menuisiers…). La rapidité de mise en œuvre est assurée par les blocs de pierre qui arrivent découpés au format attendu et dont la pose nécessite peu d’ouvriers.

Il en résulte une incontestable urbanité, très éloignée des réalisations rigides, grises et sans âme de l’époque. Soixante-dix ans plus tard, les nombreux habitants (devenus propriétaires depuis la Cession des biens de l’Etat en 1981) que nous avons rencontrés témoignent de leur fierté d’habiter chez Pouillon et de leur reconnaissance pour le respect qu’il leur a témoignée.

 

Retrouvez l'épisode 4 le 14 Août 2024.

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