Par Delphine Desveaux
Journaliste et auteure pour de nombreuses publications dans le domaine de l'architecture.
ALGER & GHARDAÏA Mai 2024
Nous formions un groupe d’une vingtaine de personnes. Des architectes, bien sûr, des pouillonistes inconditionnels, des amateurs éclairés, des psychiatres (le lien entre architecture et psychiatrie reste à étudier…), des orientalistes, des touche-à-tout avertis, des tenants du modernisme, des tenants du vernaculaire, tous ravis de saisir cette chance de venir en Algérie. Une destination mythique pour moi, mais difficile d’accès et complexe à appréhender… au regard des nombreux messages de bienvenue que nous ont adressé la population, associés à une police omniprésente et l’obligation d’être encadrés par des guides professionnels. D’où le sentiment paradoxal d’un accueil chaleureux sous une chape de plomb.
Retour aux sources
Je rêvais depuis trente ans d’aller en Algérie. Les souvenirs éblouis de mon père, qui avait fait son service militaire en tant que sergent-chauffeur d’un général pendant la guerre, avaient bercé mes rêves d’ailleurs. Ses évocations d’Alger la Blanche, de la Casbah, de Ghardaïa, mais également l’amour de la montagne, l’attrait du désert et des grands espaces m’avaient poussé à lire Isabelle Eberhardt, André Lhote, René Frison-Roche, Albert Camus, Charles de Foucault, le général Massu, Kamel Daoud, Germaine Tillion…
ALGER
Les trois premiers jours étaient dédiés à Alger. Avec une première découverte : le jardin d’Essais du Hamma, qui compte environ 3000 espèces différentes (allées de dragonniers, fromagers, ficus, acanthes…).
La ville basse
Au-dessus du front de mer, gagné sur la Méditerranée par des terrassements soutenus par des voûtes, le quartier français est implanté à flanc de colline autour de la Grande Poste néo-mauresque. Il répondait initialement à la volonté de remodeler la ville pour asseoir les principes de défense militaire face à l’hostilité de la population vis-à-vis de l’occupation française (1830). Des pans entiers de la Casbah (tissu ancien d’influence ottomane du XVIe au XIXe siècle) furent livrés aux mains des démolisseurs pour opérer des percées sur le modèle haussmannien. L’Histoire nous est contée par un jeune architecte franco-algérien, qui connaît son sujet. Pour les questions relatives à la vie quotidienne, nous nous tournons vers Nabila, sa mère, gynécologue à Oran.
Etonnement, voire amusement, devant ce joyau d’éclectisme architectural qu’offrent les innombrables façades des immeubles haussmanniens, tous construits en pierre, enduits de ciment et peints en blanc. Rigoureux dans l’alignement mais farfelu dans les ornements, ce mélange des styles - Art Nouveau, Art Déco, Néo-classicisme, néo-baroque, palatial italien… - forme un heureux bric-à-brac qui allie élégance et fantaisie. Quoi qu’on pense de la période coloniale, ces magnifiques vestiges de la présence française font paraît-il aujourd’hui la fierté des Algérois.
Retrouvez l'épisode 2 le 05 Août 2024.
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